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Photos : Ouagadougou, la ville, la vie.

Ces photos ne représentent pas Ouaga... mais quelques points de vues "volés" pendant que je me déplaçais pour les activités des "Sentinelles de la paix". Merci à Lazare qui connait la ville comme sa poche et qui sait conduire au milieu d'une circulation incontrôlable !!!

Pour vous "dire" Ouaga, voici ce formidable texte du poète Jean-Jacques Beylac :

OUAGADOUGOU, CITE DES REINES

de Jean-Jacques BEYLAC de SIKANDER

(Ouagadougou, le 7 octobre 2009)

 

Avril. Dès le matin tout est braise. Le ciel n’a plus d’eau. Le feu brûle l’ombre. La terre s’écaille. Elle irradie le silence. La ville est clouée sur une forge. Plus loin, les os blanchis des arbres craquent sous la hache solaire. Une immobilité de bronze pétrifie l’espace. Il est midi.

Le temps s’effrite.

La nuit, la ville s’évapore dans le désert. Elle flotte comme une île, entre ciel et terre. Très tôt, le plain-chant du muezzin et les cris du coq entrouvrent les portes de l’aube.

La cité est si peu goudronneuse, avec ses rues et rubans de terre ocre et rouge.

La vie paisible de la brousse, la sérénité du désert, se sont engouffrées dans ses cours et dans ses jardins. La ville s’échappe dès que l’on avance vers elle. Elle fuit, dans la lumière blanche, pour nous conduire au cœur du labyrinthe dans les entrelacements de l’histoire. Ici, le temps est une utopie, et la joie une sublime respiration.

Des portes, comme des rires, nous invitent vers une fraîcheur sucrée et verte à l’ombre des manguiers.

Au commencement était le ciel. Dans cet ici, dans le regard de ces enfants, de ces femmes et de ces hommes, sont toutes les promesses des horizons infinis. Des poussières d’étoiles irisent de bleu et d’or le corps et l’esprit de tout un peuple.

Derrière ces murs de briques rouges et dans ces jardins, les secrets de la terre et les mystères de l’univers rythment les heures.

Entre le monde du jour, et le monde de la nuit, est un milieu où l’homme se tient debout.

La vie quotidienne a des racines célestes. Ici le monde bascule, allègrement, vers le zénith. L’humain est le lien, entre le visible et l’invisible, l’illusoire et la conscience de l’infini.

Sans hésitation, il nomme le tellurique et appelle à son secours, par des incantations, le démiurge.

Toute respiration a le souffle du sacré.

A la mi-juin, le neuvième cercle se clôt. Le feu s’éreinte, sur une terre vitrifiée. Un ciel d’acier plombe les quatre horizons. Dans le regard des hommes, le sel du désespoir incise son attente. L’espérance le pétrifie. Il fixe les dieux.

Soudain, à l’Est, une marée rouge roule au dessus des arbres. Une vague de terre ancienne fuit le désert, dans un galop apocalyptique. Le monolithe céleste s’effondre. Une colère océanique réveille la belle endormie. La vie pleut sur Ouagadougou.

La joie et la peur, en un fil unique enserrent les cœurs. Trois mois durant, les hommes s’éreinteront à vouloir maîtriser l’improbable. Réussir à attacher la pluie pour la retenir s’en abreuver ou encore pour l’entraver, l’emprisonner. D’aucuns en auraient le don. Ils sauraient la soumettre.

Puis un matin, un murmure froissé caresse la cité et les champs.

Couronnées, des milliers de femmes se lèvent, parées pour un bal impromptu et mystérieux.

Belles et fières, elles s’avancent à travers les rues, appelées par des voix entendues d’elles seules. Des tresses de tissu maintiennent sur leurs têtes de larges plateaux regorgeant de trésors : pyramides de fraises, grappes de bananes, montagnes d’avocats, d’oranges et de pamplemousses, carottes rutilantes et noix de kola polies par tant de mystères.

Tous ces nouveaux présents chantent la terre. Gardiennes des saisons, ces femmes nous font l’offrande royale d’un monde qu’on croyait vide.

Ainsi va cette ville, accomplissant dans la simplicité des gestes quotidiens la grandeur la plus juste.

Le vrai et le beau ici ne font qu’un.

A Ouagadougou, les hommes et les femmes sont les maîtres des lieux. Ils sont cette entité qui ne peut être nommée, et donc exister, que si nous les reconnaissons.


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